Jean Prodromidès est né à Neuilly-sur-Seine en 1927 dans une famille mélomane. Son père, d’origine grecque, possède un pianola grâce auquel il se familiarise avec des œuvres de Beethoven et Wagner. Il s’initie au piano à l’âge de huit ans, prend ses premières leçons avant la guerre auprès de Rose Casadesus et apprend le solfège avec sa mère puis avec Yvonne Desportes. Il rencontre plus tard Marcel Landowski et lui fait alors part de son désir de devenir compositeur.
Jean Prodromidès entre au Conservatoire de Paris en 1945, menant parallèlement des études de droit à la faculté. Il emprunte régulièrement des partitions à la bibliothèque de prêt des éditions Max Eschig et s’imprègne de musique d’orchestre. Au Conservatoire, il suit les cours d’harmonie de Georges Dandelot puis d’Olivier Messiaen, dont il fréquente ensuite la classe d’analyse et esthétique et avec qui il étudie tous les styles, de la musique de Monteverdi au raga hindou. Noël Gallon est son professeur de fugue et contrepoint et Louis Fourestier son professeur de direction d’orchestre. Il prend également des cours chez René Leibowitz, qui lui fait travailler l’harmonie modale et le système dodécaphonique. En 1949, il se rend à Darmstadt avec René Leibowitz et Antoine Duhamel, dont il dirige une œuvre.
Durant son service militaire, Jean Prodromidès est incorporé au service Cinéma des armées et écrit des musiques de film chez lui lors de très nombreuses permissions. Son service militaire achevé, il est embauché comme civil et continue à composer pour l’armée. Il écrit par ailleurs pour la télévision ainsi que pour le théâtre, notamment des musiques orchestrales pour les mimodrames de Marcel Marceau. Il reçoit également de très nombreuses commandes pour des musiques de film, travaillant avec des réalisateurs tels que Gilles Grangier (Archimède le clochard, 1958), Roger Vadim (Et mourir de plaisir, 1960), Jean Delannoy (Les amitiés particulières, 1963), Denys de La Patellière (Le bateau d’Émile, 1962), Dominique Delouche (Vingt-quatre heures de la vie d’une femme, 1968), Alain Cavalier (Mis à sac, 1967), Andrezej Wajda (Danton, 1983). Le cinéma constitue, selon le compositeur, un bon apprentissage avant d’aborder l’opéra.
En 1961, Jean Prodromidès atteint la notoriété avec son oratorio dramatique Les Perses. L’œuvre est diffusée sur la seule chaîne de télévision française et simultanément à la radio pour une expérience de stéréophonie. Il compose également des musiques de ballet, notamment pour Maurice Béjart qu’il rencontre en 1962. Leur collaboration est immédiate (La belle et la bête), et repose sur une liberté réciproque d’écriture.
Avec l’opéra, Jean Prodromidès se consacre à sa véritable passion. Son premier opus, intitulé Passion selon nos doutes (1971) et créé à l’Opéra de Lyon sous la direction de Daniel Chabrun, a pour particularité de mélanger chanteurs et comédiens. Cette caractéristique permet une médiation entre l’opéra et le public, les comédiens incarnant des personnages qui regardent et commentent l’opéra.
Influencé par ses réalisations pour le cinéma, Jean Prodromidès préfère élaborer ses livrets d’opéra en collaboration avec des scénaristes : Serge Ganzl pour Les traverses du temps (1979) et H.H. Ulysse (1984) ; Jean Gruault pour La noche triste (1989) ; Floria Fournier (son épouse) et Jean Cosmos pour Goya (1996). Le compositeur joue en permanence avec le temps (présent-passé, en opposition, en rapprochement ou en regard) et l’histoire en général. Ses sujets se situent entre les deux extrémités du bassin méditerranéen : entre Espagne et Grèce, entre tempérament et mythologie, excessivité et démesure.
D’un point de vue stylistique, outre l’importance donnée à la forme lyrique, Jean Prodromidès s’attache au traitement du matériau sonore dans une pensée verticale. La conception harmonique est importante, de même que celle de l’orchestration, qui intervient dès le début du travail d’écriture à partir d’un abrégé d’orchestre sur deux à six portées. Le timbre est également un élément essentiel et initial. Admiratif des combinaisons de timbres de Wagner et de Debussy, il s’emploie à manier les blocs sonores, tel dans Parcours pour orchestre (1973), véritable étude de l’évolution des masses sonores.
Il avoue avoir horreur de la musique qui coule bien et préférer les arrêtes, les aspérités et les contrastes.
Enfin, Jean Prodromidès a joué un rôle institutionnel important, occupant notamment les fonctions d’inspecteur des théâtres lyriques au ministère de la Culture, de président du comité lyrique de l’Institut international du théâtre à l’Unesco, de président du Centre français du théâtre et de vice-président de la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques).
Œuvrant tout particulièrement en faveur des œuvres lyriques, il crée le Fonds de Création Lyrique pendant son mandat de président de la commission musique de la SACD, fait entrer la SACD dans les partenaires de Musique française d’Aujourd’hui (MFA) et réussit ainsi à assurer un suivi complet des nouveaux opéras, depuis leur gestation jusqu’à leur création et leurs éventuelles reprises : la Fondation Beaumarchais (financée par la SACD) aide financièrement le compositeur à écrire son ouvrage, puis le Fonds de Création Lyrique intervient pour que l’œuvre soit portée à la scène, l’enregistrement discographique de l’œuvre est soutenu par MFA, et enfin la revue l’Avant-scène Opéra, Opéra d’Aujourd’hui (aidée par la SACD) constitue un outil supplémentaire, imprimé, pour la diffusion de l’œuvre.
En février 1990, Jean Prodromidès est élu membre de l’Académie des beaux-arts au fauteuil d’Henri Sauguet.