Yves-Marie Pasquet est né le 14 juillet 1947 à Orléans. Il apprend le piano avec sa mère et s’adonne très vite à l’improvisation. Dès l'âge de 4 ans et demi, il étudie le violon et le solfège, puis entre au conservatoire de sa ville natale dans la classe de trompette, où il obtient le prix d'excellence et poursuit ses études de piano avec une élève d'Isidore Philip. Grâce à sa rencontre avec Marcel Reggui, fondateur des Semaines de musiques contemporaines d'Orléans, il est très tôt plongé dans le milieu artistique d'avant-garde tant musical que celui des arts plastiques. Il découvre et analyse les œuvres de Olivier Messiaen, Edgard Varèse, Pierre Boulez, Karlheinz Stockhausen, Luciano Berio, mais aussi d’Arnold Schoenberg, Alban Berg et Anton Webern, ou encore les musiques en micro-intervalles de Juliàn Carillo et d’Ivan Wyschnegradsky.
Yves-Marie Pasquet commence à composer très jeune et, à 19 ans, il dirige à Orléans un concert de ses propres œuvres, dont Ballet pour orchestre de vents et une Sonate pour violon et piano. Également organiste, il travaille à la même époque sur l’orgue de l’église de La Chapelle-Saint-Mesmin, près d’Orléans, où il donne pour ses amis des récitals d’œuvres de Bach et d’Olivier Messiaen avec de nombreuses improvisations, dont seule Conversation intérieure (1966) est conservée. Cette œuvre est récompensée en 1968 par le Schnitgerpreijs de Zwolle (Pays-Bas), dont le président du jury est alors André Jolivet. La même année, sur la recommandation de Claude Ballif, il complète ses études d’écriture (harmonie, contrepoint et fugue) au Conservatoire de Bobigny avec Philippe Drogoz et suit des cours de contrepoint sériel, d’analyse et de composition auprès de Max Deutsch. Boursier de la fondation A. Roussel, il étudie en même temps à l'École normale de musique de Paris dans la classe d’Henri Dutilleux, où il obtient le premier Prix de composition à l'unanimité et les félicitations du jury.
Lauréat de la Fondation de la Vocation en 1972, Yve-Marie Pasquet entre ensuite au Conservatoire de Paris où il est élève d’Olivier Messiaen, Claude Ballif et Michel Philippot et obtient le Prix de composition. En 1976, il reçoit des mains d’Igor Markevitch le prix Lili Boulanger pour ses premières œuvres, dont Tropes (1970) pour piano, créé par Susan Cheetam à la Salle Cortot, Ecarts pour orchestre créé en 1975 sous la direction de Michel Tabachnik, mais aussi Traces (1975) pour ensemble instrumental avec percussions, œuvre créée à la Maison de la Radio tout comme Epures-Mobiles (1972) pour triple-trio, sans oublier Chant d’amour (1971) pour soprano et sept instruments ; dans cette dernière pièce, le compositeur transcrit par des moyens musicaux l’étrangeté et la beauté fulgurante des images nées du choc des mots entre eux issus du monde surréaliste d’André Breton. Ces premières œuvres dévoilent la vivacité d’imagination toujours renouvelée si caractéristique du compositeur, sa recherche toujours plus poussée d’une écriture ciselée faisant émerger une pureté d’expression éclatante.
Toute l’œuvre d’Yves-Marie Pasquet témoigne de son ouverture à toutes les disciplines, à tous les courants intellectuels et artistiques de toutes les époques qui pourraient venir nourrir sa création musicale et s’inscrire dans sa recherche constante d’une expressivité moderne qui lui est propre. C’est dans cet esprit qu’il étudie, dès 1969, la musique algorithmique auprès de Pierre Barbaud avant de suivre, en 1974, les cours d’acoustique d’Emile Leipp à l’Université de Jussieu et de participer, à la fin des années soixante-dix, au premier stage d'informatique pour compositeurs de l'Ircam. À l’Université de Vincennes, il étudie également la philosophie, l’esthétique auprès de Daniel Charles, qui l’initie à l’univers de John Cage, l’ethnomusicologie avec Claude Laloum, la linguistique avec Nicolas Ruwet, auquel il dédie Sonnet ; il s’intéresse aussi à la psychanalyse, assiste aux séminaires de Jacques Lacan et participe aux travaux sur la « note bleue en musique » d’Alain Didier-Weill.
Mais il considère toujours ses recherches sur ces matériaux nouveaux comme autant de tremplins pour accéder à de nouvelles formes d’expression. Ainsi chaque œuvre crée un univers sonore qui lui est propre, fruit d’un travail de mise à jour de nouvelles techniques de langages, de nouvelles formes, de nouveaux procédés d’écriture, et ce, tout en conservant une identité musicale parfaitement reconnaissable dans sa pureté d’expression et son exigence d’absolu à caractère spirituel.
Après une expérience d’œuvre graphique avec Mandala, interprété par le GERM (Groupe d'Étude et de Réalisation Musicales) dirigé par Pierre Mariétan, le compositeur préfère, à la suite de la lecture de L’œuvre ouverte d’Umberto Eco, une exploration plus maîtrisée des formes dites ouvertes.Il compose ainsi en 1977 Les oiseaux du regard pour guitare, mais aussi et surtout son opéra instrumental Don Juan mis en pièces (1979), dont seront extraits Lames pour flûte, et Romanz (1984), créé par le clarinettiste Michel Corenflos.
Soucieux d’un travail sur la forme, il explore ce qu’il nomme les « formes sensitives », cristallisant en quelque sorte des instants d’expression sensible, formes qui tissent entre elles un réseau de correspondances assurant la cohérence et l’unité de la macroforme. Cette conception est présente dans Flashes of Flesh (1983) pour quatuor de clarinettes, mais elle est ensuite développée plus largement dans d’autres œuvres telles que Narcissechos (1983) pour orchestre, commande de Radio France dont le Nouvel orchestre philharmonique assure la création sous la direction de Diego Masson. Le compositeur explore des matériaux harmoniques et rythmiques très largement développés, comme dans les spirales de Féerie (1985) pour piano, qui dure près d’une heure, et dans Lignes d’Erre (1985, révisé en 2008) pour sextuor à cordes amplifiées et ensemble instrumental, où différents groupes instrumentaux cohabitent et évoluent en suivant des formes de circulation semblables aux « lignes d’erre » observées chez les jeunes autistes par le pédagogue Fernand Deligny.
Initié aux micro-intervalles par Claude Ballif et Ivan Wyschnegradsky, Yves-Marie Pasquet est très vite désireux d’explorer ces espaces non octaviants et d’en créer de nouveaux, domaine de recherche qu’il développe à l’Ircam et exploite dans Cristal d’un souffle (1981) et plus tard dans Deux leçons de Ténèbres (1992) pour grand orchestre et chœurs. En effet, de 1978 à 1981, il effectue différentes recherches à l’Ircam dans des directions qui s'avéreront très fécondes, notamment la synthèse de la voix chantée avec ses applications musicales, l'analyse perceptuelle à l'aide de l'ordinateur (illustrée par celle du Marteau sans Maître de Pierre Boulez), les hybridations d'objets sonores, ainsi que l’étude des incidences spectrales et temporelles des espaces non octaviants, travaux à l’issue desquels Pierre Boulez lui confie l’organisation d’un symposium sur la génération de nouvelles échelles musicales. À la suite de toutes ces recherches, il compose en 1980-1981 Cristal d’un souffle (Atemkristall) pour soprano, orchestre et sons de synthèse sur des poèmes de Paul Celan, œuvre particulièrement dramatique opposant le monde froid de la technique au chant solitaire du poète meurtri jusque dans sa langue par les idéologies totalitaires. Ses travaux sur l’acoustique et sa recherche sur des échelles éventuelles de timbres ne resteront pas sans conséquences sur son écriture orchestrale, comme par exemple dans Narcissechos (1983) et Le rêve du papillon (1989).
La voix, la parole et la poésie traversent toute l’œuvre d’Yves-Marie Pasquet, qu’elle soit vocale ou instrumentale. Elles sont explorées sous toutes leurs formes, de l’utilisation de l’analyse linguistique d’un poème de Louise Labé par Nicolas Ruwet dans Sonnet (1975) pour chœur, à la voix théâtralisée exploitant diverses techniques vocales de Clément Marot et les chiffonniers (1981), opéra sur un livret de Claude Minière ; de l’univers poétique de James Joyce dans A flower given to my daughter ou de Pierre-Jean Jouve dans Suaire de sons (1977) pour soprano et orchestre et Les ondes, les ondes emplissent le cœur du désert pour orchestre, à ceux de Georg Trakl et Giacomo Leopardi dans les Deux leçons de ténèbres (1992), où se côtoient un grand nombre de langues de tous les continents, et récemment de Salah Stétié dans Larme (2011), en passant par L’Etoile a pleuré rose,quatrain d’Arthur Rimbaud dont les analyses phonologiques, acoustiques, sémantiques et poétiques de chaque mot fournissent le matériau du trio Poème perdu (1988) pour alto, clarinette et piano.
Toute sa musique, même purement instrumentale, vise ainsi à donner corps à une parole et, à travers elle, à une présence. Ceci est prégnant dès Conversation intérieure pour orgue (1966), mais aussi dans Chant de solitude (1986) pour flûte, qui constitue par ailleurs une véritable traduction créatrice de l’esprit d’une pièce méditative de shakuhachi des moines zen, ou encore dans des œuvres plus récentes comme Vox clamantis in deserto sur les six paroles de Jean le Baptiste (2008) pour trombone. Ses œuvres chorales récentes illustrent parfaitement son attention si particulière à la voix, comme dans le Magnificat (2007) pour chœur de femmes, harpe, cloches-tubes et vibraphone, mais aussi dans la Messe de Saint Bruno et la Messe de la Chartreuse (2004) pour chœur mixte, la Messa de la B.V. Maria sur un texte occitan et la Missa (2006) pour chœurs et ensemble instrumental. De plus, issu du désir impulsé par Olivier Messiaen de renouer avec la tradition modale, à commencer par la musique grégorienne que le compositeur n’a cessé d’étudier et de pratiquer, le matériau mélodique, harmonique, rythmique associé à une esthétique sobre et dépouillée de toute emphase et virtuosité, confère à ces œuvres une sérénité propice à la méditation et à la contemplation proche de la spiritualité cartusienne.
Toutes les œuvres qui suivent, telles que le Petit livre d’Heures pour harpe (2009), Alléluia (2011) ou encore le cycle de mélodies Du Ciel de la Terre (2012), continuent de refléter l'attachement du compositeur à la recherche de formes expressives « intensives » comme témoignages de sa vie spirituelle.
Les œuvres d’Yves-Marie Pasquet ont été interprétées notamment par l’Ensemble intercontemporain, le Nouvel orchestre philharmonique de Radio France, l’Ensemble 2e2m, l’Orchestre national de France, Yves Prin, Kent Nagano, Diego Masson, Jacques Mercier, Irène Jarsky et Jane Manning, Pierre-Yves Artaud, Michel Corenflos, Benny Sluchin, Pierre Strauch, Frédérique Cambreling, l’Ensemble vocal Héliade, etc.
Son activité pédagogique le conduit à l'Université Paris IV-Sorbonne (de 1975 à 1981), à l'École Polytechnique (de 1979 à 1981), aux Universités de Poitiers, Limoges et Montpellier, ainsi que dans plusieurs conservatoires. Il forme de nombreux élèves parmi lesquels Philippe Manoury et Patrick Marcland.
Membre fondateur de la Revue d'Analyse Musicale, il est également l'auteur de plusieurs articles sur la musique du XXe siècle (parus dans cette même revue), traitant de Claude Ballif, Anton Webern, Claude Debussy.