Jérôme Combier, qui êtes-vous ?
Le son et/ou le bruit que vous aimez
Le son du shakuhachi et de manière concomitante le bruit du vent dans les forêts de bambou que le shakuhachi est censé imiter puisque cette flûte japonaise, elle-même issue de ces forêts, est censée en garder la mémoire. Ce fut un son, qui lorsque j’étais étudiant en composition valait pour moi autant qu’un exercice de contrepoint rigoureux — que j’adorais par ailleurs.
Quelle fut votre première émotion musicale
Les Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach jouées par Glenn Gould (dans la version des années 80) et que j’écoutais au fil de mes promenades. Elles furent l’un de mes premiers sujets d’étude, où je pris conscience des rouages d’une œuvre musicale et du fossé qui sépare la connaissance d’une œuvre et de son mystère. J’y trouvais là une leçon qui est peut-être la seule qui vaille, celle qui associe science et acuité, rigueur et liberté, qui reste un idéal pour moi dans tout ce que j’entreprends … même si cela est bien souvent inaccessible.
Votre meilleur moment pour composer
Définitivement je suis de la nuit. Elle a toujours été pour moi mon territoire, le lieu où le temps se suspend, où tout s’arrête. Je l’ai traversé bien des fois et m’y suis perdu quelque fois. Nombre de musiques y furent écrites et je m’y suis cogné comme aux murs de ma conscience. Mais je peux, aujourd’hui encore, citer les titres des pièces que j’ai composé durant les nuits et d’un seul coup me retrouver dans toutes ces chambres, tous ces lieux où elles furent écrites Respirer l’ombre et Lessness dans le petit atelier de la Villa Médicis qui jouxte le Pincio, Noir gris sur un coin de table du 36 rue Fabert tout près des Invalides, Terre et cendres dans la petite chambre sous les toits de la place Jacques Demy, Campo santo dans l’appartement du château de Chambord, Dawnlight dans le bureau qui surplombe les toits du XIVème arrondissement de la rue de Gergovie.
Votre dernière lecture marquante
Mes lectures sont plus que des à-côtés de la musique, bien souvent, elles se prolongent dans la chose musicale. Elles sont tout autant l’écho de mes convictions d’artistes (dans la notion même d’écriture et le travail formel), que celui d’un certain rapport au réel que je ne saurai tout à fait donner à percevoir dans la musique qui est bien trop abstraite et c’est tant mieux. Deux lectures marquantes pour moi : Austerlitz de W.G Sebald qui aura donné lieu à un voyage sur les traces du livre, puis une adaptation effectuée pour les musiciens d’Ictus, enfin un objet scénique étrange réalisé au Festival d’Aix-en-Provence avec mes comparses Pierre Nouvel et Bertrand Couderc. Et puis Les oiseaux de Tarjei Vesaas, l’un des derniers beaux livres que j’ai lus, et dont je garde l’idée, précieuse, de pouvoir en réaliser un jour un opéra.
Votre film ou série culte
2001 l’Odyssée de l’espace, pour l’intelligence du son, pour la petite chanson de Hal, à la fin qui fut la première chanson chantée par un ordinateur en 1961 et qui s’oppose au souffle de l’homme qui peu à peu débranche l’ordinateur, voix synthétique qui plonge dans l’extrême grave et les affres de l’oubli ; et pour plein d’autres choses.
Votre occupation préférée
Vivre libre