Joanna Bruzdowicz est née le 17 mai 1943 à Varsovie. Elle grandit dans un milieu musical : sa mère est pianiste et son père est architecte et violoncelliste. Enfant prodige, elle compose dès l’âge de six ans. À l’École supérieure de musique de Varsovie, dont elle sort diplômée en 1966, elle étudie la composition avec Kazimierz Sikorski et le piano avec Irena Protasewicz et Wanda Łosakiewicz. Elle réalise ses premières critiques musicales pour un magazine de jazz et mène une carrière de pianiste lui permettant de se faire connaître en Belgique, en Autriche et en Tchéquoslovaquie. Elle cofonde la section polonaise des Jeunesses musicales, dont elle est secrétaire générale entre 1964 et 1968.
Après avoir obtenu une bourse du gouvernement français, elle poursuit son apprentissage à Paris, auprès de Nadia Boulanger et Olivier Messiaen. Elle rejoint le GRM et étudie avec Pierre Schaeffer (1968-1970). Elle complète sa formation par une thèse de doctorat consacrée aux mathématiques et à la logique dans la musique contemporaine ("Mathematics and Logic in Contemporary Music") et supervisée par Jacques Chailley à la Sorbonne. En 1975, elle obtient la nationalité française.
Les origines polonaises de Joanna Bruzdowicz transparaissent dans son œuvre et son parcours. Sa musique s’inscrit dans la tradition d’un néo-classicisme coloré, vif et expressif, tinté des sonorités de l’École polonaise (Krzystof Penderecki, Witold Lutoslawski). Ainsi Mater Polonica pour orgue (1973) dévoile des clusters, un perpetuum mobile véloce ainsi qu’un système polyphonique atonal et un thème d’allure modale dans une improvisation libre. Hommage à la Pologne aussi dans sa Sonate d’octobre pour piano (1978), écrite à l’occasion de l’élection du pape polonais Jean-Paul II. De même, en 1982, elle écrit Dreams and drums pour percussion, une œuvre en commémoration du 13 décembre 1981, date du début de l’état de siège en Pologne : les rêves (dreams) ont été étouffés par les coups de baguettes militaires (drums).
En 1981, son intérêt pour la musique de Karol Szymanovski, précurseur de toute l’école polonaise du XXe siècle, à qui elle rend hommage dans son premier Quatuor à cordes : la vita (1973), la pousse à prendre la tête du Comité Szymanowski. De ce comité naît en Belgique l’association Frédéric Chopin – Karol Szymanowski, dont le but est non seulement de mieux faire connaître la musique des deux compositeurs mais aussi de faciliter les contacts entre jeunes artistes belges et polonais.
Joanna Bruzdowicz, également vice-présidente de la Fédération internationale des sociétés Chopin, s’engage dans la critique musicale et promeut la musique polonaise, notamment à travers de nombreuses productions sur les radios françaises, allemandes, belges, italiennes, espagnoles et américaines. En 2001, elle est décorée de la plus haute distinction du gouvernement polonais, l’Ordre Polonia Restituta, pour sa contribution à la culture polonaise et en 2013, elle reçoit la médaille du mérite culturel polonais Gloria Artis (Zasłużony Kulturze - Gloria Artis).
La musique de Joanna Bruzdowicz reflète aussi d’autres influences. Ainsi compose-t-elle Bartokaglia, pièce pour bande seule en forme de passacaille (1979), en hommage à Béla Bartók, son maître spirituel. La musique extra-européenne trouve également un écho dans son œuvre. Marlos Grosso Brasileiras, chant d’amitié - pour flûte, violon, clavecin et bande magnétique (1980) -témoigne ainsi à travers une stylisation des rythmes brésiliens de son attachement à la musique brésilienne, dont Marlos Nobre est l’un des compositeurs les plus importants. De même, son Trio dei due mondi (1980) juxtapose gestes d'avant-garde européens, rythmes de danse sud-américaine et éléments de jazz.
Catalane de cœur, Joanna Bruzdowicz s’installe dans le sud de la France. En 1996, elle fonde et dirige le Festival international de musique de Céret dans les Pyrénées orientales. Dans son cycle 16 tableaux d’une exposition de Salvador Dali pour piano (2004), certains titres évoquent la Catalogne, tels « Jeune fille de l'Ampurda », « La Gare de Perpignan », « Le Torero hallucinogène »…
La musique de Joana Bruzdowicz est toujours significative, associée à des images poétiques ou naturelles, avec des idées empruntées à des textes littéraires classiques ou reflets de ses fascinations personnelles. Homo Faber (1971-1975) est une trilogie électronique inspirée d’un auteur différent pour chaque partie : Alexander Soljenitsyne pour la première partie « Le Souffle », Charles Baudelaire pour la seconde « La Solitude » et Paul Valéry pour dernière pièce « La Sérénité ». Créée en Belgique, à Gand, en 1975, cette trilogie, célébration de l’amour profond de la vie, porte un titre en hommage à Max Frisch et à son roman éponyme. Ces trois fresques, d’une palette sonore très poétique, ont séduit le peintre Bogfaert au point qu’il a voulu illustrer cette musique faite pour résonner « entre les parois des palais imaginaires de ses tableaux ». Pour Cantus aeternus (1988), son second quatuor à cordes, un acteur récite des fragments de texte à partir d'un large éventail de poésie en plusieurs langues.
La littérature est également très présente dans les opéras de Joanna Bruzdowicz. La Colonie pénitentiaire (1972) est écrite d’après Kafka, Les Troyennes d’après Euripide (1973) ; et The gates of paradise (1986) est basé sur un roman historique de Jerzy Andrzejewski, dont elle adapte elle-même le texte, dépeignant l'histoire tragique de la croisade des enfants au XIIIe siècle.
Joanna Bruzdowicz fait preuve d’un sens inné de la dramaturgie dans ses opéras comme dans ses pièces de théâtre musical, alliant une musique sobre et raffinée à une mise en scène expressive. Dans Equivocita, petit théâtre musical pour clavicorde (1978), elle organise le jeu scénique de l’interprète, qui se déplace autour de son clavicorde.
Son talent musical et dramatique s’exprime particulièrement dans ses opéras, aux sujets souvent sombres et tragiques. Dans la deuxième version de La Colonie pénitentiaire, créée à Liège (Belgique) en 1986, l’imagerie cauchemardesque et les événements terribles du texte de Kafka trouvent une interprétation fidèle et tout aussi préoccupante dans sa musique, à travers son utilisation expressive du « Sprechgesang » et des sons électroniques. L’angoisse, l’absurdité, la souffrance sont traduites dans ses œuvres avec une véhémence musicale dépourvue d’exagération, d’effets gratuits, de sentimentalité larmoyante.
La compositrice tente de mêler l’actualité et ses préoccupations politiques et esthétiques à un langage grammaticalement évolué, en un message non élitiste et accessible au jeune public. Ainsi dit-elle, à propos des Troyennes, essayer d’éveiller les sensibilités d’aujourd’hui au désespoir, au drame que représentent les guerres d’oppression et à la nécessité de la lutte pour la paix.
Joanna Bruzdowicz a écrit la musique des trente-six épisodes de Stahlkammer Zürich, série allemande créée par Horst-Jurgen Tittel, son époux. Elle a signé la musique de nombreux longs métrages et collaboré notamment avec Agnès Varda (Sans toit ni loi, 1985 ; Jacquot de Nantes, 1991 ; The Gleaners and I, 2001), Gilles Katz (La Mort de Lord Chatterley, 1972), Yves Angelo (Les Âmes grises, 2006) et Laurent Vinas-Raymond (J'ai oublié de te dire, 2009).
En 2006, elle ouvre à Perpignan le Cat.Studios, société de production-distribution cinématographique et studio de musique de film.