Marc Battier est né en 1947 à Brive-La-Gaillarde. Il suit des cours de pratique instrumentale, de théorie musicale et étudie l’architecture à l’École des Beaux-Arts de Paris (1967-1970). Il mène alors ses premières expériences de musique électroacoustique, devient l’assistant de John Cage pour Rozart Mix (1970) lors des Semaines musicales internationales de Paris au Théâtre de la Ville, et se forme en informatique musicale à l’Université de Vincennes avec Patrick Greussay. Il participe également au cours de pratique musicale collective de Guiseppe Englert. À l’Université de Vincennes, il obtient une licence d’informatique en 1975 puis une maîtrise de musique l’année suivante. Il complète son parcours universitaire par un doctorat en philosophie et esthétique des formes, à l’Université de Paris X-Nanterre, avec une thèse intitulée Les musiques électroacoustiques et l’environnement informatique (1981) et par une habilitation à diriger des recherches, obtenue en 1997 à l’Université des Sciences Humaines de Strasbourg, avec un dossier sur la Métamorphose de l’instrument de musique au XXe siècle : les étapes de la lutherie électronique (méthodologie et pensée musicale).
En 1977, Marc Battier commence à utiliser l’ordinateur pour la synthèse des sons : programmes de synthèse directe, Music 4BF, Music V, Music 10, Music I1 (Marseille, INA-GRM, Ircam), synthétiseurs digitaux (synclavier, 4A, 4X). Il travaille sur le traitement des sons et de la voix par ordinateur à l’Inserm puis au GRM, où il est l’assistant de François Bayle (1978-1979). En 1979, il rejoint l’Ircam en tant que chargé de projet dans le département pédagogie (assistant musical et enseignant puis responsable des assistants musicaux). Il travaille notamment avec Pierre Boulez, Steve Reich, Karlheinz Stockhausen, Pierre Henry et Joji Yuasa.
Outre ses recherches portant sur le développement historique et stylistique du son artificiel et de la musique électroacoustique, Marc Battier s’investit dans la recherche sur l’organologie du vingtième siècle. Chercheur associé au CNRS dans l’équipe d’organologie et d’iconographie musicale, il est chargé de mission (1992-1993) auprès de l’Association pour la Cité de la musique, Musée de la musique, où il crée et documente la collection d’instruments présentant l’évolution de la technologie musicale au vingtième siècle.
Pionnier de l’art synesthésique, il convertit dans les années 1980 des sculptures spatio-dynamiques du plasticien Nicolas Schöffer en partitions de musique. De même en 2009, dans le studio 116 du GRM de Radio France, il réalise des audioscans des tableaux du peintre surréaliste chilien Roberto Matta et obtient ainsi des partitions graphiques. Il isole d’abord des détails de tableaux pour élaborer des sons qui, une fois passé dans le spectrogramme, produiront une image identique à celle prise dans la toile.
Le passage par l’image fascine le compositeur. S’intéressant à la poésie sonore d’Henri Chopin, Marc Battier convertit la voix de l’artiste en sons qu’il dilate avant d’entamer une (re)conversion du son vers l’image. Objets artistiques, les partitions graphiques de Marc Battier réalisées ainsi à partir des audiopoèmes de Henri Chopin ont été exposées comme tableau dans une galerie parisienne. Curieux de la collaboration avec d’autres arts, il produit plusieurs œuvres en liaison avec le travail des poètes Philippe Bootz, Jean-Paul Curtay, Carlos Estela et Brion Gysin, du danseur Tetsuro Fukuhara, ainsi que des peintres Félix Rosen et Roberto Matta.
Marc Battier mène également une intense activité dans l’enseignement. À partir de 1972, il est enseignant de musique électroacoustique à l’Université de Paris VIII, enseignant dans la formation doctorale « Musique et musicologie du XXe siècle » (1992-1998) à l’EHESS (École des hautes études en sciences sociales), à l’Ircam, Paris IV et ENS (École normale supérieure) et responsable de la documentation musicale de l’Ircam (1993-2002). D’abord professeur associé de 1997 à 2002, il devient professeur titulaire à l’Université de Paris-Sorbonne en 2002, dans l’UFR de musique et musicologie au poste « musique et nouvelles technologies » et se consacre à la recherche musicologique dans le domaine de la musique électroacoustique et de l’informatique musicale. Il est régulièrement invité à enseigner aux États-Unis (comme à l’Université de Californie à Irvine, notamment en 2009 et 2014), au Canada (Université de Montréal en 2005), en Chine et au Japon (Aichi Prefectural University of Fine Arts and Music, Nagakute, notamment en 2009 et 2012). Il donne de nombreuses conférences sur l’informatique musicale à travers le monde. En 2003, il confonde le réseau d’étude des musiques électroacoustiques (EMS Network) avec Leigh Landy et Daniel Teruggi et co-organise chaque année une conférence sur l’approche musicologique de ces musiques.
Éminent chercheur, il est membre de nombreux comités éditoriaux et comités scientifiques, dont le comité éditorial des Cahiers de l’Ircam, Recherche et musique (1992-1995), celui de Organised sound, an international journal of music technology (Cambridge University Press), le comité de rédaction de Leonardo, International Society for the Arts, Sciences and Technology (MIT Press), le bureau éditorial du International Journal of Sound, Music and Technology à Taiwan.
Marc Battier développe une relation particulière avec l’Asie. Il est notamment membre du bureau de Japanese Society of Sonic Arts (JSSA) à Tokyo, membre de la Société asiatique, de la Société des études japonaises et du Réseau Asie. En 2007, il fonde et dirige le réseau EMSAN (Réseau d’étude des musiques électroacoustiques en Asie orientale) qui regroupe compositeurs et chercheurs de Chine, Corée, Japon et Taïwan. En 2013, il est nommé « Master of electroacoustic music » de Tao Masters Academy à Pékin et un « Studio Marc Battier » reposant sur des ateliers, cours et séminaires est organisé au Shanghai Visual Arts Institute de l’Université Fudan. Il est aussi membre du Comité exécutif de la Fondation pour l’étude de la langue et de la civilisation japonaise, Fondation de France (mandat 2014-2020).
Cet attachement à l’Extrême-Orient se retrouve également dans ses œuvres. En 1982, Le monde de Kiyoshi Takahashi, œuvre conçue comme unique élément sonore d’un film de trente minutes, présente les impressions suggérées par les sculptures de l’artiste japonais Kioyoshi Takahashi. Ritratto a memoria pour bande, commande du GMEB (1983), exploite la matière sonore recueillie au cours d’un voyage en Extrême-Orient durant un automne. Les images visuelles, sonores et mentales interfèrent dans des séquences de Tokyo et Nara auxquelles se lient des bruits de rue de Pékin et de jeux d’enfants en Thaïlande. Encre sur polyester (1984) pour quintette de cuivres et bande est écrite en cinq mouvements, avec une architecture librement inspirée de la structure des poèmes japonais de style Uta. La bande et l’ensemble instrumental se comportent comme une forme et son relief : l’une et l’autre empruntent tour à tour l’un de ces deux pôles dans un effet de fusion entre deux univers.
Marc Battier utilise volontiers l’instrumentarium d’Extrême-Orient, comme la flûte shakuhachi dans L’oiseau de la capitale (2008), les cithares chinoises guqin dans Conversaciones (2010) et guzheng dans Constellations (2012), le pipa, proche de la famille du luth, dans Mist on a hill (2009) ou encore dans I Gysin (2012), ainsi que les flûtes chinoises Xin Di et Xun dans Rustle and shimmer (2019).
Marc Battier compose des musiques électroacoustiques et mixtes ainsi que des œuvres symphoniques (Rain Water, 2014 ; Recollections, 2016). Sa production est jouée en France, par l’Ensemble Intercontemporain, l’Itinéraire et 2e2m, ainsi qu’en Asie et en Amérique du Nord. Deux albums sont publiés, chez Bond Age (Transparence, 1995) et chez Maat (Audioscans, 2009).