Pierre Schaeffer est né à Nancy le 14 août 1910 au sein d’une famille de musiciens. Il débute ses études au Lycée Saint-Sigisbert-Saint-Léopold de sa ville natale, avant d’être admis en 1929 à l’École Polytechnique, puis à l’École supérieure d’électricité et des télécommunications de Paris, dont il sort diplômé en 1934. Ingénieur affecté à la Direction régionale des télécommunications de Strasbourg, puis, en 1936, à la Direction de la radiodiffusion française, il suit parallèlement des études musicales avec Claude Arrieu et Nadia Boulanger jusqu’en 1943.
En 1940, Pierre Schaeffer est réquisitionné par le gouvernement de Vichy pour participer à la production d’émissions patriotiques. Il crée alors Radio Jeunesse, vitrine du mouvement Jeune France, organisme officiel qu'il fonde en collaboration avec Emmanuel Mounier et Alfred Cortot. Soupçonné d'être infiltré par des gaullistes, ce mouvement est dissout en mars 1942. Alors nommé ingénieur en chef de la Radio d'État chargé du « perfectionnement du personnel », Pierre Schaeffer fonde et dirige le Studio d’essai, destiné à la formation et à l’expérimentation radiophonique. Le Studio d'essai participe aux activités de la résistance jusqu'à la libération de Paris en 1944, année où Pierre Schaeffer est nommé directeur général de la radio. Sa suite sonore, Cantate à l’Alsace, est jouée dès 1945 par l’Orchestre de la radiodiffusion française, devenant ainsi l’un des premiers morceaux interprétés sur les ondes d’une radio désormais libérée.
En 1946, Pierre Schaeffer est nommé directeur des services artistiques puis des programmes de la télévision. Voulant faire coopérer la télévision et la radio, il s'oppose aux syndicats et est alors démis de ses fonctions. Qu’importe, profitant de son expérience au Studio d’essai, il commence à théoriser sur la nature même de la musique face aux nouvelles technologies. Il découvre l'intérêt musical de la répétition, grâce à l'emprisonnement d'une seconde d'un son généré par la rayure accidentelle d'un disque tournant à 78 tours/minute. Après plusieurs répétitions, l'auditeur oublie la cause qui a engendré le son et écoute cet "objet sonore" pour lui-même (expérience du sillon fermé). Pierre Schaeffer prélève ensuite par inadvertance un fragment du son produit par une cloche après l'attaque et le répète par la technique du sillon fermé ; il modifie sa dynamique et remarque que le son obtenu s'apparente à celui d'une flûte ou d'un hautbois. Il constate alors un bouleversement des lois de l'acoustique concernant le timbre. La musique concrète est née : elle repose sur un matériel sonore préexistant constitué de sons enregistrés devant un microphone, bruit ou son instrumental. Les sons sont ensuite modifiés, manipulés, transformés, juxtaposés en studio.
En 1948, Pierre Schaeffer compose cinq « études » faites de collages et de bruitages enregistrés sur bande, qu’il regroupe sous l’appellation générale Cinq études de bruits. L’Étude au chemin de fer est ainsi composée à partir de collages et de variations de vitesse d’enregistrements de locomotives à vapeur.
En 1949, il fait la connaissance de Pierre Henry et fonde avec lui, au sein de la radiodiffusion, le Groupe de recherche de musique concrète (1951). Les deux hommes collaborent pour la composition de nombreuses œuvres, dont la Symphonie pour un homme seul (1949-50), puis Orphée 53 (1953), opéra créé à Donaueschingen, basé sur une technique du bruitage qui aboutit à une nouvelle musicalité centrée sur le son en tant qu’objet propre. Ingénieur, Pierre Schaeffer crée ses propres outils pour ses recherches et sa musique. Le phonogène, appareil à bande magnétique permettant d'intervenir sur la vitesse de la bande ou la transposition, voit ainsi le jour en 1951.
Toujours actif à la radio, Pierre Schaeffer est mis à la disposition, sur sa demande, du ministère de la France d'outre-mer afin de développer les réseaux locaux de la radio et il devient, en 1956, président-directeur général de la Sorafom (Société de radiodiffusion de la France d'outre-mer). A partir de 1957, il se consacre à nouveau à son studio et à la recherche musicale. Le Groupe de musique concrète devient le Groupe de recherches musicales (GRM) en 1958 et sert à toutes les expérimentations et découvertes, qui seront formalisées dans le Traité des objets musicaux (1966).
En 1960, il confie la direction du GRM à François Bayle et fonde le service de la recherche de l'ORTF (Office de radiodiffusion télévision française), qu'il dirige jusqu’en 1974. À partir de 1960, Pierre Schaeffer cesse de composer pour se consacrer à la recherche, dans le domaine de la musique mais aussi celui de la communication audiovisuelle. Il anime au Conservatoire de Paris un séminaire sur la musique expérimentale et appliquée à l'audiovisuel (1968-1980). Son importante œuvre théorique – citons notamment À la recherche d’une musique concrète (1952) et Vers une musique expérimentale (1957) - ainsi que sa longue carrière à la Radiodiffusion télévision française (1935-1974) lui ont permis de dépasser les aspects techniques et esthétiques de la communication pour entrevoir leur rôle politique et social dans la civilisation contemporaine : Machines à communiquer 1, Genèse des simulacres (1970) ; Machines à communiquer 2, Pouvoir et Communication (1972).
En 1974, après la dissolution de l'ORTF et sa refonte en deux sociétés : la SFP (Société française de production) et la TDF (Télédiffusion de France), Pierre Schaeffer réussit à sauver les services des archives et de la formation professionnelle et obtient leur regroupement à l'INA (Institut national de l'audiovisuel). Il devient membre du Haut conseil de l'audiovisuel avant de prendre sa retraite en 1975, délaissant ses activités de consultant, d’enseignant et de musicien. Personnage éclectique, il se consacre dès lors à sa carrière d’écrivain et de romancier, entamée dès 1938 avec son premier roman Clotaire Nicole. Citons parmi ses œuvres littéraires Excusez-moi, je meurs (1981), Préludes, chorales et fugues (1983).
Officier de la Légion d'honneur, commandeur de l'Ordre des Arts et des Lettres, grand officier de l'Ordre national du Mérite, ingénieur, polytechnicien, homme de radio, compositeur, inventeur de la musique concrète, essayiste, chercheur, romancier, expérimentateur de talent, récompensé par le prix de l’académie Charles Cros (1967), le Grand Prix des compositeurs de la Sacem (1976) et le prix MacLuhan de la communication (1989), Pierre Schaeffer s’éteint à Paris le 19 août 1995.